TFGA #8 – Si jeunes et pourtant si…

TFGA est un exercice mensuel proposé par Alex Effect à tous les amoureux de jeux vidéo, qui consiste à dresser un Top 5 sur un thème imposé. Son article liste toutes les contributions du mois.

La jeunesse dans les jeux vidéo, un sujet assez amusant qu’Alex fait bien de soulever. En effet, comme beaucoup de jeux cherchent à engager le joueur sur un parcours initiatique accompagnant le(s) personnage(s) qu’il contrôle, il n’est pas rare de voir des protagonistes très jeunes voire enfantins, s’embarquer dans une aventure qui, 9 fois sur 10, aura pour but de sauver le monde. Cette solution fréquente semble bien difficile à contourner, car on ne se sentira pas aussi impliqué si on rejoint dans sa quête un quinquagénaire qui a déjà sa vie bien en main : il n’a pas besoin de nous. C’est pour cela qu’Ellie existe… (la suite au numéro 4) Cette solution, enfin, reste bien plus élégante que sa cousine aussi fréquemment employée : l’amnésie.

Alors que les exemples de personnes fort jeunes comparées à leurs exploits dans l’univers des jeux vidéo sont foule, en voici 5 que je trouve particulièrement marquants.


5. Ninten/Ness – Mother/Earthbound

Ninten et Ness sont l’archétype de l’enfant-héros qui sauve le monde, présent dans une majorité de RPG japonais (je suis d’ailleurs près à parier qu’ils ont inspiré le design de Red et du monde de Pokémon en général), à ceci près qu’ils s’opposent, dans leur quête, non pas à des problèmes d’adulte, mais à des problématiques de l’âge adulte, presque personnifiées. Le créateur génial de cette série, Shigesato Itoi, a expliqué à maintes reprises qu’il a conçu le grand méchant de ces jeux, Giygas, en s’inspirant d’un traumatisme de sa propre enfance. Il s’était trompé de salle au cinéma et était entré à une séance d’un film pour adultes, tombant sur une scène de sexe qui dégénère en meurtre. Sa compréhension de ce qu’il voyait n’était pas du tout assez nette, mais les images à elles seules l’ont vraiment impacté, ne comprenant pas qu’on puisse déformer un corps humain de la sorte. C’est pour cela que Giygas est une créature abstraite, représentée avec des volutes de rouge sur du noir et qui parle autant d’anéantir le monde que de son manque d’amour. Ninten et Ness, tour à tour, sont des enfants qui se battent contre la mixture de l’Eros et du Thanatos, dans toute la complexité que ce mélange passionnel comporte, sans être capables de le comprendre.


4. Ellie – The Last of Us

…on ne se sentira pas aussi impliqué si on rejoint dans sa quête un quinquagénaire qui a déjà sa vie bien en main : il n’a pas besoin de nous. C’est pour cela qu’Ellie existe. Elle a besoin de nous, et elle va découvrir le monde avec nous. Un monde que Joel ne connaît que trop bien (il en a même marre). Ce que j’apprécie chez Ellie, c’est qu’elle est écrite avec une grande justesse. Elle est le cliché de la maturation à l’envers, c’est-à-dire ces personnages dans les histoires post-apocalyptiques qui connaissent déjà tout des atrocités de la nature mais ignorent encore tout de ce qu’elle a de plus beau à offrir. Ellie est donc une dure à cuire, à qui on ne la fait pas (la scène de la rencontre avec Bill m’a laissé avec un beau sourire et un sentiment de fierté envers la gamine), et qui connait tout de la zone de quarantaine comme si elle était adulte. Sauf que la zone de quarantaine est ce qui fait office de « bulle nourricière » pour elle, qui va en sortir et se retrouver en terre inconnue. Joli retournement de cliché.


3. Link – The Legend of Zelda: Ocarina of Time

Le problème avec l’artifice de l’enfant-héros, en général, c’est qu’on le voit accomplir des tâches qui auraient pu et dû être confiées à des adultes. Ce n’est pas comme si il n’y avait aucun adulte capable de faire ceci ou cela dans le monde. Si ? Eh bien dans Ocarina of Time, si. L’ennemi principal d’Ocarina of Time est un adulte et il faudra un adulte pour s’opposer à lui. Sauf que seul Link peut le faire, avec l’aide de Zelda. Donc il va falloir qu’il accepte son destin, et qu’il grandisse, aussi vite que possible. Ce qui le fait perdre 7 ans de sa vie pour devenir celui qui doit vaincre Ganondorf, un adulte avec le coeur d’un enfant de 10 ans. Ca m’a évidemment touché parce que j’avais presque le même âge que lui à l’époque, donc je pouvais essayer d’imaginer ce que ça me ferait, de devenir tout de suite un adulte, parce que ma tâche le nécessite. Du coup ce Link est, bien sûr, un enfant qui se retrouve rapidement privé de figure paternelle et se lance en route pour sauver le monde, mais il est aussi un adulte qui n’a que dix ans. Si vieux et pourtant si jeune.


2. Gregg et Steve Mayles – Rare Ltd.

Eh oui, j’ai bel et bien fini de parler de personnages de jeux vidéo pour ce top, et je vais maintenant rendre hommage à des personnes réelles. Le marché du jeu vidéo est en pleine croisière aujourd’hui, mais ce n’a pas toujours été le cas. Et comme souvent dans les marchés émergents, on peut voir s’exprimer des talents étonnamment jeunes, à des postes d’une importance qui, rétrospectivement, donne souvent matière à rire et à admirer.

C’est le cas des frères Mayles, deux Anglais étant rentrés successivement chez le studio Rare Ltd., chacun dès ses 18 ans. Au début des années 1990, le marché du jeu vidéo était déjà pris très au sérieux au Japon et aux Etats-Unis, mais en Angleterre, c’était déjà bien plus une petite niche. Ceci dit, le studio de Rare était bourré de talent et c’est pour ça que ces deux frères, Gregg l’aîné, Steve le cadet, ont travaillé respectivement sur le character-design de Donkey Kong Country et Banjo-Kazooie. Gregg a notamment été un des créateurs de Diddy Kong, à 23 ans. Vingt-trois ans.


1. Manami Matsumae – Capcom Co., Ltd.

Pour ce numéro 1, revenons encore une dizaine d’années en arrière, à un moment où le marché des jeux vidéo sur consoles de salon faisait son entrée Japon. Comme je l’ai au numéro 2, marché émergent = des stagiaires/étudiants accomplissent des tâches qu’il serait invraisemblable de confier aujourd’hui à des personnes de leur âge et de leur statut. C’est ce qui s’est passé quand la jeune Manami Matsumae a reçu la mission de… composer les musiques de Rockman (pour nous, c’est Megaman).

Composer pour console 8-bit, c’est un véritable challenge, autant artistique que technique, parce que si on travaille sur la FamiCom, on a un nombre limité de pistes audio à remplir, avec un éventail de sonorités exploitables absolument ridicule, et malgré ça, il faut en faire quelque chose d’unique. Et c’est ce que Manami Matsumae a fait, et répété un an plus tard sur Rockman II, et ainsi de suite, faisant de Megaman une des franchises les plus respectées du monde en termes de musique 8-bit.

Matsumae est à l’origine de ce qui restera pour moi à jamais un des plus beaux exploits de composition 8-bit :

Et dire qu’elle n’avait que 24 ans

6 réflexions sur “TFGA #8 – Si jeunes et pourtant si…

  1. DarkRiketz dit :

    Ptain, les jeux que tu as cités et les commentaires sont tellement plus sérieux que chez moi x) Enfin tu m’diras j’ai jamais fini Earthbound donc je peux pas connaître toutes les implications ^^

    En tout cas je savais pas pour les mecs de Rare et la compositrice de Megaman, c’est balèze, je suis fan des Donkey Kong Country et je confirme qu’en plus d’une bande-son de fifou ils ont un character-design vraiment sympa, en fait ils font partie de mes jeux de plate-formes préférés, toutes époques confondues ^^

    ….faut que j’m’essaie à des jeux récents comme The last of us ou Heavy Rain, avec ma confid de ouf refaite l’an dernier chuis sûr que j’dois pouvoir les faire tourner ^^

    • Franchement, ton entrée sur Squall, j’aurais pu l’écrire telle quelle, y a absolument pas à rougir ni pour toi ni pour moi !

      Je pense que Heavy Rain et The Last of Us sont le genre de jeux basés sur l’histoire dont le gameplay ne va pas te faire beaucoup d’effet, mais qui sont intéressants à faire pour l’expérience. Y a beaucoup de jeux de ce genre, story-driven, ces derniers temps, mais peu sont vraiment remarquables. Heavy Rain, c’est clairement le cas, The Last of Us est également très correct, mais si tu veux rajouter du gameplay sympa dans le mélange, les séries à ne manquer sous aucun prétexte, c’est Metal Gear Solid et surtout, surtout, Mass Effect.

      • DarkRiketz dit :

        Les MGS, j’ai pratiquement grandi avec, MGS4 était une raison de m’acheter la PS à une époque (avec Soul Calibur 4, maintenant j’attends juste d’avoir l’argent et le temps d’identifier assez de bons jeux), et je comptais faire les Mass Effect tôt ou tard vu tout le bien qu’on m’en a dit et que j’en ai lu x)

  2. Alexandre dit :

    Il est où le petit paragraphe de conclusion ?! 😦

    Je chipote bien sûr. Une nouvelle fois, quel plaisir de te lire. Ravi de t’avoir fait te creuser la tête à ce point et quand je vois le résultat, je me dit que ce n’est pas plus mal !

    Merci pour tout ce que j’ai appris 🙂

    • Si j’en avais fait un, il n’aurait pas dit grand chose de plus que celui d’introduction, alors j’ai préféré ne pas pousser 🙂

      Merci encore pour le sujet et le commentaire.

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